viernes, 13 de mayo de 2011

Novedad: Libro de A. Sayad traducido al castellano: "La doble ausencia De las ilusiones del emigrado a los padecimientos del inmigrado (2011)

La doble ausencia
De las ilusiones del emigrado a los padecimientos del inmigrado
Prefacio de Pierre Bordieu 

Abdelmalek Sayad
2011 | 429 pp | ISBN: 9788476589830



«Hace mucho tiempo que Abdelmalek Sayad había concebido el proyecto, al que de golpe me había asociado, de reunir en una obra sintética el conjunto de los análisis que había presentado a propósito de la emigración y de la inmigración -dos palabras que, como él no dejaba de recordarlo, expresan dos conjuntos completamente diferentes de cosas pero indisociables que era preciso pensar juntas.» Pierre Bourdieu

viernes, 6 de mayo de 2011

Hommage à mon ami Abdelmalek Sayad (1998) - Pierre Bourdieu

Abdelmalek Sayad aura été un des plus grands sociologues de sa génération. Né en 1933, à Sidi-Aïch, en Algérie, il a consacré toute sa vie à «étudier» ­ est-ce bien le mot? ­ les hommes et les femmes de son pays, dans le village de Petite Kabylie où vivait sa mère et où il se replongeait régulièrement, et aussi, dès les années 60, dans les «regroupements» de l'Ouarsenis ou de la presqu'île de Collo (sur lesquels nous avons écrit ensemble un livre intitulé le Déracinement), dans les bidonvilles d'Alger ou de Constantine ou, plus récemment, en France, dans les «cités» de Marseille ou de Villeurbanne, de Nanterre ou de Saint-Denis. Venu, en un temps où personne ne s'inquiétait des «immigrés», à s'intéresser à ces «personnes déplacées», il a rappelé d'emblée qu'ils étaient aussi, et peut-être avant tout, des émigrés et que l'on n'avait quelque chance de comprendre leurs destinées qu'à condition de mobiliser tout un capital de connaissances ethnologiques et sociologiques sur leur pays d'origine, c'est-à-dire cela même qu'il avait accumulé.
C'est cette connaissance, cette intimité avec la langue, les modes de pensée, les traditions kabyles, qui donne aux descriptions-analyses ethnographiques d'Abdelmalek Sayad leur ton inimitable, immédiatement reconnaissable. Les metteurs en scène qui ont adapté des textes tirés de la Misère du monde ne s'y sont pas trompés et tous ont retenu l'un ou l'autre des personnages qu'il avait campés. Et je ne saurais trop recommander à ceux qui voudraient se faire une idée, sans doute tragique mais vraie, du drame de l'émigration, el ghorba, comme disent les Kabyles, de lire le texte intitulé la Malédiction.
Abdelmalek Sayad avait découvert, dès le début des années 70, que le temps était fini du travailleur importé qui, une fois nanti d'un pécule, repartait au pays pour laisser place à un autre. Comme il a compris, avant tout le monde, la crise propre des jeunes adolescents d'origine algérienne nés en France et doublement déracinés, en France même et dans leur pays d'origine. De tous les articles qu'il avait écrits, dans Actes de la recherche et ailleurs, certains avaient été regroupés dans un livre important, l'Immigration ou les paradoxes de l'altérité (Bruxelles, De Boek, 1991). Il travaillait à un autre, rassemblant, à côté d'articles devenus classiques, comme «Les trois âges de l'immigration» ou «El Ghorba», des écrits nouveaux, qui devrait paraître aux éditions du Seuil.
Incongru et importun, de trop partout, l'immigré oblige à mettre en question non seulement les réactions de rejet qui, tenant l'Etat pour une expression de la nation, prétendent fonder la citoyenneté sur la communauté de langue et de culture, mais aussi la «générosité» assimilationniste qui, confiante que l'Etat, armé de l'éducation, saura produire la nation, pourrait dissimuler un chauvinisme de l'universel. On comprend que, entre les mains d'Abdelmalek Sayad, l'«immigré» fonctionne comme un formidable analyseur de l'inconscient social. L'oeuvre qu'il nous laisse enferme les principes de la politique lucide et généreuse qui devraient s'imposer à tous ceux qui prétendent légiférer en des matières trop souvent abandonnées à la démagogie.

Pierre BOURDIEU
16 mars 1998



Fuente: http://www.liberation.fr/culture/0101239315-hommage-a-mon-ami-abdelmalek-sayad